Les filtres sont utilisés depuis des décennies en gemmologie, avec plus ou moins de succès. En effet, l'apparition permanente de nouveaux gisements aux caractéristiques particulières, de nouvelles synthèses plus convaincantes et de traitements plus subtils rend très difficile l'utilisation des filtres de couleurs. Par exemple, une émeraude présentera une réaction plus ou moins vive suivant son origine ce qui rend interprétable le résultat de l'observation. En gemmologie, on recherche justement des résultats sûrs que l'on n'aura pas à interpréter. Les raisons de la popularité des filtres sont surtout leur facilité d'utilisation, leur coût relativement bas et leur rusticité. Un autre aspect pratique est la possibilité d'utiliser les filtres sans devoir être en contact avec la pierre et de pouvoir traiter un lot de pierre en une fois. Le filtre doit être tenu près de l'œil, comme un monocle, pendant que l'on éclaire la gemme avec une lumière incandescente.
Voyons d'abord comment fonctionne un filtre.
La lumière blanche se décompose via un prisme en toutes les couleurs de l'arc en ciel. C'est ce qu'on appelle le spectre visible. Chaque couleur possède une longueur d'onde (les chiffres en nanomètre sous le spectre ci-dessus) Si un objet renvoie uniformément toutes les couleurs du spectre visible, on le verra complètement blanc.
A travers le filtre Chelsea, le spectre visible est "filtré", c'est à dire que le filtre a absorbé certaines couleurs. Le spectre filtré se présente comme ceci :
On voit que la majorité du spectre est absorbé, sauf un peu du rouge et une bonne partie du vert-jaune. Le filtre Chelsea est assez sombre, mais la lumière blanche vue au travers prend une couleur vert bouteille (c'est normal car les autres couleurs sont absorbées!)
Chaque gemme colorée absorbe également certaines longueurs d'ondes. Voici le spectre d'une émeraude :
La couleur jaune est absorbée par l'émeraude, ainsi que des raies de rouge et d'orange. L'émeraude apparait vert-bleutée.
Lorsque l'on regarde une émeraude au travers d'un filtre Chelsea, on ne fait que superposer deux filtres : le filtre Chelsea et l'émeraude elle-même. On obtient alors le spectre suivant :
Le spectre résultant est un spectre quasiment entièrement absorbé, excepté une minuscule raie dans le vert et une zone dans le rouge. C'est pourquoi l'émeraude apparait rose ou rouge à travers le filtre. L'intensité de la couleur de la réaction dépend de l'intensité de la couleur de départ de la gemme et de la quantité d'éléments chromogènes (qui lui donnent sa couleur) Une émeraude de synthèse présente en général une réaction beaucoup plus vive car elle est saturée en éléments chromogènes que l'on trouve plus rarement dans la nature.
Tous les filtres fonctionnent sur le même principe d'absorption de couleurs (longueurs d'ondes). Il existe même des kits de filtres permettant de faire le tri entre les émeraudes naturelles et leurs synthèses ou simulants. C'est le cas de la série de filtres Hanneman, à utiliser en complément du Chelsea.
Il existe de nombreux filtres : aigue-marine, tanzanite, rubis, émeraude, jadéite, etc.
A noter que souvent le filtre jadéite est vendu comme filtre Chelsea, mais en regardant le spectre de ce filtre, il apparait différent du véritable filtre Chelsea. On ne peut donc pas l'utiliser comme tel!
Un intérêt fort du filtre Chelsea est sa réactivité à de nombreuses gemmes, ainsi que la possibilité de trier un lot de pierres facilement. Il suffit de regarder si une ou plusieurs gemmes d'un lot présente une réaction anormale. C'est facile et pratique. Cela ne permet malheureusement pas de savoir à quelle gemme on a affaire, mais cela doit attirer l'attention. Il faudra ensuite faire des tests complémentaires.
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